5.13.2014

Coupe du monde : 30 jours et des doutes

A un mois du début du Mondial au Brésil, quatre stades sont toujours en travaux et les manifestations se multiplient contre un événement de moins en moins populaire.

La scène remonte au jeudi 8 mai. Dilma Rousseff arrive vers quinze heures sur la pelouse du stade Itaquerão de Sao Paulo, l’enceinte où se jouera le match inaugural de la Coupe du monde. Le chantier a suspendu ses travaux quelques minutes. L’inauguration de l’édifice se veut avant tout symbolique après une série incalculable d’accidents, de retards et de contretemps.
La présidente pose devant les photographes entre une poignée d’ouvriers tout sourire et quelques hommes politiques locaux aux visages plus circonspects. Quelques minutes auparavant, Dilma Rousseff avait modifié son agenda pour s’entretenir avec les dirigeants du Mouvement des travailleurs sans-toits. Plusieurs manifestations et occupations avaient eu lieu dans la ville et autour de l’édifice pour protester contre une Copa de « la finance ».
Encore un petit tour et la chef du gouvernement quitte Itaquerão sans un mot pour les journalistes. Visiblement le cœur n’y est pas.
Ce jour-là, sept autres villes hôtes de la Coupe du monde ont enregistré des rassemblements de protestataires. A Rio de Janeiro, un arrêt de travail des chauffeurs de bus a même paralysé la ville. D’autres grèves sectorielles (police fédérale, vigiles des banques, personnel administratif des universités et professeurs des écoles publiques) étaient annoncées.
Encore la veille, Dilma Rousseff avait tenté de créer un climat plus positif autour du Mondial. Sur les réseaux sociaux, elle s’était fendue d’un commentaire sur la liste des 23 joueurs brésiliens sélectionnés pour le Mondial que venait d’annoncer l’entraîneur Luiz Felipe Scolari (ici). La présidente a reçu en retour des dizaines de messages amers et férocement critiques envers la compétition. Un signe supplémentaire, comme le note l’hebdomadaire Carta Capital, de cette mauvaise humeur « qui a contaminé le pays tout entier ».
Les chiffres sont têtus : la proportion de Brésiliens soutenant le Mondial au pays est passée de 79 % en novembre 2008 et 65 % en juin 2013 à 48 % en avril. Les « anti » n'étaient que 10 % il y a six ans, 41 % aujourd'hui. Par ailleurs, 49 % des personnes interrogées le mois dernier estiment que la coupe entraînera plus d’inconvénients que d’avantages pour eux-mêmes, 31 % pensent l’inverse. Comme si l’exaltation avait fait place au désenchantement malgré les efforts déployés depuis sept ans pour préparer le pays à cet événement planétaire.
A un mois du lancement du Mondial, quatre stades (Curitiba, Cuiaba, Porto Alegre et Sao Paulo) sont toujours en travaux. Leurs factures ne cessent de s’allonger. Des groupes de manifestants se rassemblent dans les douze villes hôtes de la compétition et fourbissent leurs armes. A Rio, Sao Paulo et ailleurs, les questions liées aux transports et à la sécurité sont toujours en question (ici). C’est beaucoup pour un pays qui rêvait de montrer au monde le véritable réveil du géant émergent. Beaucoup, pour une population excédée par une corruption toujours aussi endémique et des services publics de piètre qualité, illustrant chaque jour un peu plus les dysfonctionnements du pays.
La Coupe du monde aura bien lieu. Au moment du coup d’envoi dans ce stade d’Itaquerão, le 12 juin, le pays Auriverde retiendra même très certainement son souffle. Mais pour combien de temps ? « Le Brésil peut être champion et moi perdre l'élection. Il peut ne pas y arriver et moi être réélue », a plaisanté la présidente Rousseff. Pas sûr que de tels propos soient de nature à réenchanter le pays.

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